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Face à la violence, quelles ressources ?

 

Face à la violence, quelles ressources ?

Dans le cadre de la journée internationale contre les violences faites aux femmes[1]du 25 novembre, nous aborderons la question des ressources et défenses mobilisées par les personnes victimes de violences.Ces ressources peuvent être de différente nature. Sans minimiser le rôle de l’agresseur ni la difficulté à se remettre de violences, nous constatons à F-information que l’accès à ces ressources peut contribuer à reprendre confiance en soi et à surpasser certains traumatismes. Elles peuvent en outre jouer un rôle « préventif » et éviter la perpétration de violences, qu’elles soient physiques, sexuelles, psychologiques ou encore financières.

Informer et sensibiliser

L’accès à une documentation variée et spécialisée sur les violences constitue une première ressource pour les personnes victimes. La bibliothèque Filigrane dispose de rayons spécifiques sur les questions de violences conjugales, de harcèlement, mais aussi d’auto-défense. La fiction (romans, bandes dessinées, films) permet également de mettre en mots ou en images des situations de violences, de manière sensible et incarnée. Ces différents types de documentation constituent des outils permettant d’identifier les mécanismes de la violence et de les déconstruire. Se documenter, découvrir des témoignages, permet également de constater qu’on n’est pas la seule dans cette situation.

En outre, le travail d’orientation et de mise en réseau effectué à l’accueil de F-information permet aux personnes d’être prises en charge – selon leur situation – par des associations spécialisées telles que AVVEC (Aide aux Victimes de Violences en Couple), le centre LAVI, Viol-Secours ou encore le 2èmeObservatoire). 

Finalement, des campagnes de sensibilisation grand public telles que Objectif Zéro sexisme dans ma ville de la Ville de Genève permet de rendre visible la thématique et d’afficher la position des pouvoirs publics en la matière. Cette campagne est élaborée en étroite collaboration avec les associations spécialisées, permettant ainsi de retranscrire leurs préoccupations et observations de terrain. Elle constitue également une porte d’entrée vers ces mêmes associations spécialisées.

Légitime et en capacité de se défendre

Face à des situations de violence, il est essentiel de sentir légitime et en capacité de se défendre quels que soient son âge et sa condition physique. Mais il est également essentiel de ne pas se sentir coupable si l’on ne s’est pas défendue, ou pas « comme il aurait fallu ». Les ateliers d’auto-défense tels que Riposte ou FemDoChi de l’association Viol-Secours abordent la défense physique (des gestes et attitudes simples), la défense verbale, et la défense « mentale » (notamment le fait de sortir de la culpabilité, de se sentir légitime à mettre ses limites, de garder le plus possible sa capacité à faire ses propres choix et d’identifier les potentiels mécanismes de manipulation).

Ces ateliers se font collectivement afin de partager des expériences, mais aussi des histoires de réussite. Les violences sexistes y sont considérées comme un problème structurel. Dans ces stages, l’un des objectifs est d’aider les participantes de sortir du sentiment de culpabilité ou de honte. Les animatrices se concentrent sur ce que l’on peutfaire ou sur ce que l’on a fait dans une situation difficile, et non pas sur ce qu’on ne peut pas faire ou que l’on n’a pas fait. Cette approche peut permettre de mieux vivre ou d’anticiper des situations compliquées et de se sentir plus légitime pour entreprendre des démarches juridiques, professionnelles, personnelles, etc.

A F-information, nous relayons régulièrement les ateliers FemDoChi, Riposte ou encore Tatout Fight Back.

Donner un cadre législatif et des outils juridiques

Dans le cadre des consultations juridiques, l’objectif, lorsque l’on aborde la question des violences avec les usagère·x·s, est de légitimer leur vécu, leurs questionnements et leurs perceptions. Nous partons toujours du postulat de la réalité de leur récit, nous croyons en leur histoire.

Vient ensuite le moment de mettre des mots et des termes juridiques sur ce que les personnes peuvent vivre. Il est toujours important de rappeler que les violences sont contraires au droit, et que selon les cas elles peuvent constituer une infraction pénale ou une atteinte illicite à la personnalité. Donner un cadre législatif aux violences permet à la personne de sortir de la culpabilité ou de l’impuissance.

Enfin, informer les personnes des divers moyens d’action possibles, tels que se constituer un réseau d’aides (par la prise de contact avec les associations précitées ou des professionnel.le.x.s de la santé, en parler autour de soi,…) ou entreprendre des actions juridiques (déposer des mains courantes ou des plaintes auprès de la Police ou du Ministère Public, demander des mesures administratives d’éloignement, récolter des preuves, agir en justice au niveau civil, pour demander par exemple des mesures protectrices de l’union conjugale ou une interdiction de contacts), leur permet d’entrevoir des ressources concrètes, de sortir de la solitude et du sentiment d’impuissance ou d’impunité dans lesquels elles peuvent être plongées. Quel que soit le chemin qu’entreprennent les personnes, nous appuyons et légitimons leur processus propre.

La rédaction et la publication régulière de « Bons à savoir » sur les évolutions législatives en matière de violences sont également des supports importants pour tenir informé le public de manière concrète et vulgarisée. Cela nous permet, à nous professionnelle.x.s, de maintenir nos connaissances à jour et d’être encore plus utiles lors de nos consultations.

Vers une meilleure prise sur sa situation personnelle et professionnelle

A F-information, nous donnons aux usagère·x·s les informations nécessaires pour faire valoir leurs droits sociaux et gagner ainsi en indépendance face à un conjoint violent. En acquérant une meilleure prise sur leur situation personnelle et professionnelle, les usagère·x·s se retrouvent renforcée·x·s. En outre, elles prennent conscience que leur situation s’inscrit dans un processus qui va comporter des étapes mais qui va avancer petit à petit avec le soutien du réseau d’aide mobilisé. Cette conscience d’être suivie et soutenue permet de ne pas abandonner le(s) processus à la première difficulté.

Dans le cadre des consultations, toutes les conseillères de F-information effectuent un travail d’écoute qui respecte l’intimité de la personne venue consulter ; elles fournissent également des informations concrètes et l’échange favorise la prise de recul. Ce temps d’écoute bienveillante et non-jugeante permet de rassurer l’usagère sur la légitimité de sa démarche. C’est le cas par exemple lorsque la personne se met dans une démarche de recherche d’emploi alors qu’elle aurait besoin de prendre du temps après avoir vécu des violences. Ce besoin est reconnu comme légitime par les conseillères qui vont la conseiller et l’accompagner si nécessaire en tenant compte de son rythme.

En conclusion, ce sont des ressources multiples, différentes selon chaque situation et chaque personne, parfois activées par des soutiens extérieurs, qui peuvent aider à retrouver confiance en soi. Se voir non seulement comme victime, mais quelqu’un qui a des ressources pour agir est essentiel pour se reconstruire.  Ce renforcement des personnes victimes doit bien sûr être accompagné de changements législatifs et politiques au niveau des institutions[2], mais également de changements des mentalités au sein de la société.

 

 

[1]On entendra dans cet article par femme, toute personne s’identifiant comme telle.

[2]Voir à ce sujet nos bons à savoir Nouvelles dispositions pour protéger les victimes de violence dans le couple, Femmes migrantes victimes de violences conjugales : une double discrimination qui perdure,  

ou encore La convention d’Istanbul : un instrument contre les violences liées au genre