Egalité professionnelle dans la loi … qu’en est-il dans les faits ?
Egalité professionnelle dans la loi … qu’en est-il dans les faits ?
Depuis 1981, l’égalité entre femmes est hommes est inscrite dans la Constitution suisse. En 1996, la LEg définit les modalités de son application dans le monde du travail avec pour but de « promouvoir dans les faits l’égalité entre femmes et hommes ». Alors, pourquoi une Grève féministe en 2019 ?
Les statistiques de l’OFS sur les inégalités, mises en évidence par le Collectif pour la grève des femmes de l’OFS[1]nous montrent que si des progrès ont été réalisés dans le domaine professionnel, il reste encore du chemin à parcourir. Où est le problème ? Quels sont les obstacles ?
Avec l’entrée en vigueur des lois sur l’égalité entre femmes et hommes, les discriminations directes se sont fortement atténuées, mais leurs effets indirects sont persistants et se manifestent notamment au travers de points charnières des parcours des femmes: éducation et orientations professionnelles stéréotypées, obstacle de la maternité effective ou supposée, charge familiale, domestique, matérielle et mentale en début et fin de parcours professionnel.
Les parcours de vie et professionnels différenciés des femmes et des hommes, caractérisés encore aujourd’hui par un ancrage moindre des femmes sur le marché du travail, ont pour conséquences un statut économique plus fragile pendant et après la période d’activité professionnelle (en 2017, à partir de l’âge de la retraite 15% des femmes ont eu recours aux prestations complémentaires, contre 10% des hommes).
Des trajectoires professionnelles sexuées
Les postes, carrières et rémunérations (salaires et assurances sociales) sont dessinés et évalués à l’aune de trajectoires professionnelles linéaires avec pour corollaire une valorisation différenciée des prestations des femmes et des hommes sur le plan économique. En 2016, en Suisse les écarts salariaux persistent au détriment des femmes tant dans le secteur privé que public.
Ce qui est encore plus préoccupant c’est qu’une part importante des différences de salaires ne s’explique pas par des facteurs objectifs tels que la formation, la branche économique ou la position professionnelle. La part non expliquée de la différence qui correspond en 2016 à 43% dans le secteur privé (en moyenne 657.- de moins par mois) et 34,8% (522.-) dans le secteur public serait en partie due à de la pure discrimination.
L’arrivée de femmes très qualifiées aux postes les plus élevés des hiérarchies des entreprises fait croire que le plafond de verre n’est plus qu’un mythe et que l’égalité est réalisée. Or, ceci n’est qu’une face de la réalité d’une bipolarisation du marché du travail féminin avec une minorité de « privilégiées » et une proportion toujours importante de femmes au bas de l’échelle hiérarchique et salariale dont le travail rémunéré ne permet pas d’être économiquement indépendante (en 2016, 17% des femmes ont un salaire inférieur à 4’335.- contre 7,6% des hommes).
Le marché du travail féminin, bien que multiple dans sa composition (femmes qualifiées ou pas, autochtones ou migrantes, aux statuts plus ou moins précaires, plus ou moins jeunes, avec ou sans charges familiales …) comporte donc des obstacles bien genrés.
Alors … que faire ?
- Parmi les mesures nombreuses et variées qui peuvent être prises pour accéder à une réelle égalité sur le marché du travail, en voici quelques une que l’on doit revendiquer avec urgence:
- La transparence salariale au sein des entreprises
- La formation continue pour les postes peu ou pas qualifiés avec une attention particulière portée aux métiers exercés par les femmes
- Un véritable congé paternité ou parental
- Des temps partiels accessibles aux hommes comme aux femmes à tous les niveaux hiérarchiques et des aménagements consentis des temps de travail
- La dénonciation du harcèlement et des discriminations sur le lieu de travail et une meilleure prise en charge des personnes qui les subissent
- Plus de moyens de prise en charge des enfants
- La reconnaissance de la fonction de careet de proches aidant.e.s
Saviez-vous que :
- Dans le canton de Vaud, jusqu’en 1982, les filles devaient obtenir plus de points que les garçons aux examens pour accéder à l’école secondaire (barèmes discriminatoires) et on trouvait cela normal car elles réussissaient déjà mieux à l’école !
- En 1979, en Suisse, les filles recevaient moins d’heures de cours de mathématique et de sciences naturelles que les garçons alors qu’elles avaient au total 200 heures de plus de cours.
- Dès 1979, à Genève les garçons ont commencé à suivre les cours de couture, comme les filles. Avant cela, ils avaient des cours de travaux manuels ou faisaient des activités sportives et culturelles.
- Jusqu’au milieu des années 1960 les femmes devaient demander l’autorisation du mari pour prendre un emploi, ouvrir un compte bancaire. De plus, le mariage pouvait être un motif de licenciement si le mari travaillait dans la même entreprise (ex. la poste !).
[1]Ces chiffres émanent de l’Office Fédéral de la Statistique (OFS). Elles ont été regroupées et mises en avant par le Collectif pour la Grève des femmes de ce même office.