Violences conjugales : comment F-Information y fait face ?
Violences conjugales : comment F-Information y fait face ?
F-Information reçoit régulièrement des femmes victimes de violences conjugales: de par l’identité généraliste de l’association, ce type de situation est identifié aussi bien dans les consultations juridiques, professionnelles que psycho-sociales. La Bibliothèque Filigrane sensibilise également son public sur les questions de violences au travers de sa documentation et de ses animations. En somme, chaque secteur de F-Information est à un certain moment touché par la problématique.
Sortir du cycle de la violence exige de s’atteler à la multiplicité des causes et conséquences en proposant différentes mesures dans des domaines complémentaires (psychologique, juridique, professionnel ou encore socio-économique). Pour traiter ces différents aspects, F-Information travaille en étroite collaboration avec le réseau genevois, notamment l’association AVVEC (Aide aux Victimes de Violences en Couple) et la LAVI (Loi d’Aide aux Victimes d’Infractions).
Un premier relais juridique pour les femmes et leurs enfants
Dans la plupart des situations que nous recevons en consultation juridique, les femmes souhaitent mettre fin à la relation avec leurs conjoints ou partenaires parce que la violence qu’elles subissent quotidiennement impacte leurs enfants et qu’elles ne peuvent plus le supporter. Sans généraliser, il s’agit souvent de leur moteur pour entreprendre des démarches ou tout au moins avoir des informations. La présence d’enfants est aussi souvent malheureusement un facteur supplémentaire de dépendance affective et économique pour les femmes victimes de violence conjugale, les maintenant plus longtemps sous l’emprise de leurs conjoints/partenaires violents.
En consultation, nous faisons avec elles un travail d’information sur la violence conjugale et son interdiction par la loi. Nous leur donnons des informations juridiques sur leur protection (appel à la Police, mesures de protection, plainte pénale, mesures administratives d’éloignement, LAVI…) mais également sur les démarches qu’elles peuvent entreprendre pour la séparation (requête en mesures protectrices de l’union conjugale, question de la garde des enfants, droit de visite en milieu protégé, contribution d’entretien, droit à l’assistance juridique ou aux aides sociales…).
Nous les rendons attentives au fait que la violence peut augmenter au moment des démarches effectives de séparation et leur conseillons d’établir un réseau d’aide autour d’elles pour se protéger (consultations à l’association AVVEC ou As’trame pour les enfants, départ momentané du domicile avec les enfants pour se mettre en sécurité, lien avec les foyers d’hébergement d’urgence, logements relais, attestations de médecins, pédiatres, signalement au Service de la Protection des Mineurs…).
Nous ne prenons jamais en charge les dossiers de plaintes pénales ou de requêtes en séparation parce que notre mission ne nous permet pas d’accompagner ces personnes au Tribunal. Aussi, nous travaillons avec un réseau d’avocat-e-s genevois-e-s qui prennent le relais dès le début des procédures.
Nous sommes par contre le premier relais d’information juridique sur les questions de violences conjugales, notamment pour les associations féminines du réseau genevois[1]. Nous sommes en effet la seule association de ce réseau à offrir des consultations juridiques et à avoir plusieurs types de consultations permettant d’apporter différentes réponses à ces situations très complexes.
Une double discrimination pour les femmes migrantes victimes de violences
Les femmes migrantes victimes de violences conjugales doivent faire face à des problèmes parfois insurmontables liés à une autorisation de séjour précaire voire inexistante. Le potentiel manque de réseau social et de connaissances linguistiques accroit la vulnérabilité de ces femmes et limite leur recours aux démarches juridiques.
Malgré un cadre légal permettant, à certaines conditions, la prolongation du titre de séjour en cas de violences conjugales, plusieurs obstacles empêchent la protection effective et concrète des victimes. Plus fondamentalement, le statut de séjour des femmes étrangères victimes de violences conjugales reste marqué par la dépendance au lien conjugal et au titre de séjour du conjoint violent. L’article Femmes migrantes victimes de violences: une double discrimination qui perdure détaille le cadre juridique de ce type de situation et les conséquences de cette dépendance au lien conjugal.
Améliorer la situation socio-professionnelle des victimes de violences
La dépendance sociale et économique de femmes à leur conjoint est un des facteurs sociaux agissant dans les mécanismes de violences conjugales. Plus la personne est isolée et dépendante financièrement d’un conjoint qui contrôle et s’approprie les ressources du ménage, plus elle est vulnérable à diverses formes de violences.
A travers ses consultations psycho-sociales, F-Information effectue un important travail d’information sur les prestations sociales ainsi qu’un soutien administratif. L’information sur les droits des personnes et les dispositifs institutionnels (par exemple les prestations complémentaires famille ou l’aide sociale) permet une meilleure connaissance des organismes publics et privés composant le réseau de l’action sociale, et, par conséquent, un accès facilité aux prestations ainsi qu’une plus grande autonomie face à la complexité des procédures. En somme, une amélioration de la situation socio-économique des victimes est un premier pas vers une (ré)insertion professionnelle ou une demande de séparation d’un conjoint violent.
Pour ce qui est du travail de conseil et d’insertion professionnelle de F-Information, les femmes victimes de violence conjugale qui doivent trouver ou retrouver un emploi ne sont souvent pas dans un état psychologique favorable leur permettant de mener de front problèmes conjugaux et postulations. Il leur est également difficile de définir un projet professionnel, surtout si elles ont été éloignées du marché du travail. Il faut parfois accepter de prendre le temps de se reconstruire, ce qui signifie dépendre provisoirement d’une aide financière, avant de se positionner sur le marché du travail. Lorsque la recherche d’emploi est possible, les conseillères de F-Information peuvent faire un travail de reprise de confiance en ses capacités et compétences, étape indispensable à la préparation d’un bon dossier de candidature.
Le logement comme transition vers une nouvelle vie
Au vu du contexte immobilier genevois, la difficulté de trouver un logement peut constituer un frein pour des femmes victimes de violences souhaitant quitter au plus vite leur domicile ou dans l’attente d’un jugement leur attribuant ce dernier en cas de séparation pour les couples mariés ou pacsés. Même si dans certains cas, l’auteur des violences peut être éloigné du domicile durant 30 jours (mesures administratives d’éloignement), il peut arriver que ce dernier soit le bénéficiaire du logement ou le propriétaire et donc, qu’en cas d’union libre, la femme ne puisse prétendre à aucun droit sur ce logement. Dans la pratique, on constate que l’homme est bien souvent le bénéficiaire du logement (signataire du bail) ou le propriétaire.
Face à ce constat, mais également pour répondre au besoin grandissant de logements pour des femmes en situation de précarité, l’association Aux Six-Logis a été créée par plusieurs associations du Réseau Femmes. Elle propose six « logements-relais » et permet ainsi une transition entre la sortie de l’ancien logement ou d’un foyer et l’arrivée dans un logement pérenne. Dans le cas des Six- Logis, un accompagnement social des femmes est effectué durant la durée du séjour, avec pour objectif le relogement et dans certains cas la réintégration dans le monde du travail.
Contrairement aux foyers d’hébergement, les femmes vivant dans ces logements relais sont totalement autonomes : elles doivent gérer la vie quotidienne et le paiement du loyer. Ce type de dispositif peut permettre à des victimes de violences conjugales d‘entamer une nouvelle vie.
Documenter les violences pour mieux les identifier
A travers sa mission d’information sur les thématiques genre et égalité, la Bibliothèque Filigrane contribue à une meilleure identification des situations de violence. Elle propose notamment des dossiers documentaires sur la thématique et des bibliographies spécialisées (cf. derniers coups de coeur) Actuellement, elle reçoit l’exposition de la Slutwalk « Mais t’étais habillé.e.x comment? » qui donne la parole à des victimes de violence et harcèlement sexuels. Ces ressources documentaires et ces animations donnent des outils importants permettant à chacune de mieux connaître et revendiquer ses droits.
En somme, c’est en collaboration avec le réseau associatif et à travers des dispositifs concrets tels que les 6 Logis, que F- Information tente de répondre de manière à la fois précise aux situations spécifiques, et transversale aux multiples causes et conséquences des violences.
Liens et ressources :
Centre LAVI Genève http://www.centrelavi-ge.ch/index.php?q=victimes-que-faire
Association AVVEC http://www.avvec.ch
Fondation As’trame https://www.astrame.ch/accueil.htm
Bibliographie
Loi sur les Violences Domestiques (LVD) / mesures d’éloignement http://ge.ch/stopviolence/media/siteofficielviolences-domestiques/files/f1_30_eloignement_administratif_1.pdf
La feuille d’information n°19 du Bureau fédéral de l’égalité « Violences domestiques dans le contexte de la migration » détaille les facteurs de risque et donne de nombreux renseignements sur le thème.
« Femmes migrantes victimes de violences conjugales : une double discrimination qui perdure », article de F-Information.
« Violence au sein du couple », Bureau de l’égalité hommes. Femmes et de la famille (BEF) de l’Etat de Fribourg.
« Violences conjugales : la double peine des migrantes », Camille Grandjean-Jornod, Magazine Amnesty n° 93, juin 2018.
« Femmes étrangères victimes de violences conjugales : obstacles au renouvellement du titre de séjour en cas de séparation », mars 2016, Observatoire du Droit d’Asile et des Etrangers (ODAE). https://odae-romand.ch/wp/wp-content/uploads/2016/07/Rapport_ODAE_Femmes_etrangeres_ViolencesConjugales_2016.pdf
[1] Le Réseau Femmes regroupe neuf associations féminines et féministes genevoises